En 1825, Jean Claude Dognin, tulliste lyonnais, s’associe à Auguste Isaac, inventeur du procédé appliquant le système Jacquard-Vincenzi au métier à bobine pour le tulle. C’est l’origine d’une longue histoire dentelière. [Espace] Ces métiers, dits « Bobin-Jacquard », permettent en effet de produire un dessin de dentelle rebrodé ensuite après découpe et teinture, procédé labélisé sous le nom de
« Dentelle de Lyon ».
Celle-ci connut un développement considérable et une notoriété internationale au début du XXe siècle.
Ainsi, à la fin du XIXe siècle une quarantaine de fabricants de tulle sont installés aux Charpennes, quartier situé à l’est de Villeurbanne, à la lisière de Lyon. C’est là que voient le jour les premières concentrations, avec l’usine Johnson qui comptera jusqu’à 200 employés et qui fabriquera par la suite ses propres métiers à dentelle.
Le début du XXe verra la constitution des grandes usines fortement mécanisées, diversifiant la production liée au textile : velours, teinturerie, voire filature avec Henri Bertrand, et surtout tulle et dentelles, avec Dognin, Semanaz, Kiemlé et Marcet. Par ailleurs, l’usine TASE de Soie Artificielle, construite, en 1920, par l’entreprise villeurbannaise Gillet à Vaulx-en- Velin, crée un ensemble industriel majeur autour de la soie artificielle, avec les petites et grandes cités. Il est aujourd’hui devenu le centre du quartier du Carré de Soie.
L'ensemble du secteur industriel de Villeurbanne va se réduire. Les départs des entreprises vers les nouvelles zones industrielles de l’Est de Lyon, plus adaptées, la récession et les restructurations dues au choc pétrolier, verront la fermeture de la plupart des entreprises qui formaient le fleuron industriel de Villeurbanne, en particulier les entreprises liées à la dentelle et au textile. À côté de ces usines, de nombreux ateliers de dentelles et de tulle, travaillant à façon, s’étaient implantés. La plupart disparaîtront.
Mais, parmi elles, l’entreprise Platel, implantée passage Dubois, aux Gratte-ciel, à la fin du XIXe siècle, était en 1947 reprise par la société Commarmont.
L’entreprise Platel/Commarmont possédait huit métiers à dentelle :
- Quatre de ces métiers étaient de marque JOHNSON fabriqués à Villeurbanne
- Deux métiers étaient de marque BIOL fabriqués à Lyon
- Un métier de marque PUTIGNY Frère à Lyon
- Un métier anglais de marque S. HUSBANDS, le plus ancien
Ces métiers avaient été classés au titre des objets le 5 janvier 1996. La société Commarmont s’arrête en 2002, et est mise en liquidation. En 2006, le Musée de la dentelle de Calais envisage de ne reprendre que les deux métiers les plus anciens (Husbands et Putigny). Par contre, les six autres métiers, sans solution d’accueil, sont alors déclassés, avec un risque important de disparition, du fait des possibilités immobilières de l’ancien atelier.
Compte tenu du projet de transfert des deux métiers les plus anciens au Musée de la dentelle de Calais, une solution de sauvegarde des autres métiers, sur le territoire de Villeurbanne et du Grand Lyon semblait totalement compromise.
L’entreprise arrêtée depuis 2006 avait été confiée à un liquidateur, mais le maintien du classement des deux métiers temporisait la liquidation du local, toutefois sans réduire les risques de vente immédiate.
Aucun loyer n’étant payé depuis 2006, le propriétaire souhaitait que soit trouvée une solution rapide, en particulier pour le transfert sur Calais, pour disposer librement du patrimoine non classé, avec une certaine patience, espérant une solution évitant la destruction des métiers.
Une association, Cadre de Vie et Patrimoine, alertait alors la municipalité de Villeurbanne et les habitants sur
l’importance de sauvegarder ces métiers, sur Villeurbanne, témoins de l’histoire de la cité. Mais ses propositions, visant notamment à sauvegarder le local industriel et l’ensemble des métiers restants, se heurtaient à un refus du Maire de l’époque. Sonia Bove adjointe au patrimoine, demandait alors aux membres de l’Inter Quartiers Mémoire et Patrimoine,nouvellement créé, de reprendre le dossier et de rechercher une solution sur la Métropole
Sans détailler toutes les actions menées pour arriver au sauvetage du métier Johnson, on retiendra :
- qu’un lieu de stockage était trouvé au Carré de Soie, ce qui avait du sens avec l’histoire de ces métiers,
- que la Municipalité villeurbannaise apportait son soutien financier pour le déménagement,
- que l’ancienne direction de l’usine Dognin, pour l’aspect technique et la Cité de la Dentelle de Calais, pour le déménagement, apportaient également leur soutien,
- la connaissance inépuisable de la dentelle de Lyon par Anne Marie Deydier, dentelière villeurbannaise.
C’est finalement en juillet 2010 que le déménagement eut lieu dans des conditions très délicates du fait des dimensions de l’impasse où se trouvait l’atelier. Ce sauvetage du métier a été valorisé par le prix du Patrimoine Aurhalpin en 2011 . C’est dans cette démarche que l’association DENTELLES VIVANTES s’est constituée le 15 décembre 2009, avec Anne Marie Deydier comme présidente.
Ses objectifs étaient alors :
- la sauvegarde des métiers à tisser la dentelle de type Bobbin-Jacquard, installés à l’origine à Villeurbanne, et de tout le matériel et accessoires nécessaires à leur fonctionnement et à la fabrication de la dentelle.
- leur mise en valeur et leur remise en état de marche dans le cadre de projets pédagogiques ou d'éducation
populaire liés au textile et d’interprétation patrimoniale.
- l’emploi de tous les moyens à sa disposition pour éviter la disparition de ces témoins du passé industriel et textile de Villeurbanne
Dans un premier temps, l’association avait dans ses objectifs de créer un lieu de découverte de la dentelle de Lyon sur l’espace où était entreposé le métier, et pourquoi pas, un redémarrage du métier. Plusieurs années de réflexion et de projets avec, en particulier l’Association Vive la TASE, qui intervient sur la valorisation du site de l’ex Usine TASE.
Ces deux pistes n’ont pu aboutir pour essentiellement trois raisons,
- un manque de réactivité de la Métropole,
- l’incertitude sur le devenir du local où se trouvait le métier
- une difficile coordination avec les différents acteurs associatifs ou locaux
C’est pourquoi l’association s’est recentrée sur :
- la valorisation de la dentelle de Lyon et des métiers à dentelle,
- la reconnaissance de la dentelle comme un patrimoine lyonnais et métropolitain,
- le partenariat avec le Musée des Tissus pour y aire entrer la dentelle,
- un partenariat avec les musées régionaux sur la dentelle et les associations patrimoniales, entre autres, liées au textile.