La dentelle depuis l'origine

La broderie apparaît très tôt dans l'histoire et dans toutes les civilisations. En fait, dès qu’un être humain a eu l’idée d’assembler deux peaux puis deux textiles avec une lanière puis un fil. De nombreuses pièces nous sont parvenues :
 
- les tuniques de Thoutmôsis et Toutankhamon (XVIIIe dynastie),
- les peaux brodées des Indiens et des Esquimaux,
- les ornements liturgiques,
la tapisserie de Bayeux (1066-1077).
 
Quant à la dentelle telle que nous la connaissons, les auteurs s'accordent pour dire qu'on ne trouve aucune preuve formelle de son existence avant l’an 1400.

L'antiquité

Dans certaines tombes, en particulier à Héracliopolis ( 2300 avant JC)  puis  à Panapolis (1580 avant JC), des fragments textiles qui peuvent s'apparenter à de la dentelle, mais ils ressemblent plus à du filet et au tissage ajouré de type Sprang que l'on trouve encore dans certains pays de l'Est.

Plus près de nous, lors des fouilles de la nécropole d'Antinoé en 1896 (4e au 2e siècles avant JC - Égypte) les archéologues ont trouvé des fragments de fins tissus et des objets qu'ils ont identifiés comme étant dentelles et fuseaux, ces derniers ayant dû servir au filage et non à la fabrication des soi-disant dentelles. Mais les découvreurs n'étaient pas des femmes sachant manier la quenouille et encore moins des dentellières !.......

Et toutes les dentellières vous diront qu'il faut au moins une aiguille fine ou des épingles (parfois plusieurs centaines) pour faire quelques centimètres de dentelle). Or l'aiguille d'acier n'a été connue et utilisée qu'au XIVe siècle...
  • Texte de légende
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Le Puy

Le Vendredi Saint 1407 tombant le 25 mars, jour de l'Annonciation, l'évêque entend lui conférer un éclat particulier. Selon l'usage, il faut changer le vêtement de la statue de la Vierge: "ses cheveux seront enveloppés d'un réseau fait à l'aiguille, sa gorge sera couverte d'un tissu artistement travaillé à l'aiguille"...
Pour ce faire, on choisit une jeune et habile brodeuse, Isabelle Mamour, qui habite "la maison romane" de la rue Rochetaillade.
Après un mois d'essais infructueux, elle a l'idée de fixer à des épingles sur une petite planche rembourrée et recouverte de drap, des navettes garnies de fil de Hollande. Elle entrelace les navettes et fixe également le fil avec des épingles, ce qui donne une sorte de tissu ajouré d'une grande finesse.

C'est ainsi qu'elle aurait inventé la dentelle au carreau
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La renaissance

Au début de la Renaissance les parures réalisées deviennent plus raffinées et les tissus plus légers.

Les brodeuses enlèvent les fils dans un sens ou dans l'autre, puis dans les deux. Elles brodent les fils restants, le plus souvent au point de feston.

Cette dentelle faite à l'aiguille va progressivement se faire à part du vêtement, avant d'être fixée sur le tissu ; puis elle se fera sur un support en vélin sur lequel la brodeuse tendra des fils avant de les broder.

Il n'y a rien d'étonnant au fait que les techniques de la dentelle à l'aiguille et de celle aux fuseaux se soient développées en même temps en Italie et en Flandre puis des Pays Bas espagnols vers la Catalogne dont les marchands se rencontraient sur les foires. Rappelons que que Charles Quint (1500-1556) régna sur le Saint Empire Romain Germanique englobant l'Espagne, la Flandre, les Pays Bas jusqu'au nord des polders, la Franche Comté ...) Très vite, il comprit l'intérêt de l'industrie de la dentelle au point d'en ordonner l'apprentissage aux fillettes dès l'âge de 5 ans. La demande était telle qu'elles pouvaient commencer à gagner leur vie à 10 ans !
Au début, les dentelles étaient simples et modestes, issues de passements droits ou dentelés (petites bandes tissées qui pouvaient être brochées ou brodées). Cette appellation sera la seule utilisée, que la dentelle soit à l'aiguille ou aux fuseaux, jusqu'au milieu du XVIIe siècle, les dentellières restant dans la corporation des passementiers.

La dentelle était enseignée dans les campagnes aux enfants, garçons et filles, dès leur plus jeune âge, à la maison ou dans celle de la “béate”, - femme laïque célibataire qui donnait aux enfants des rudiments d’instruction, de catéchisme, et assurait l’apprentissage de la dentelle du Puy.

La plupart des auteurs estiment que le Velay, avec Craponne sur Arzon, est un des plus anciens centres dentelliers de France.

  • Texte de légende
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XVIIe siècle


Les débuts de la dentelle aux fuseaux datent de la fin du XVIe début du XVIIe siècle.

Vers 1668, l'industrie de la dentelle était la seule à apporter aux habitants du Puy et de la région des revenus confortables. Le fil de lin était de loin le plus utilisé.

La dentelle produite était relativement simple, le prix en était assez bas mais la demande était telle, l'exportation florissante, que toute la production s'écoulait très facilement.

Dans les campagnes, la main d'oe uvre était dispersée.
De ce fait, les fabricants de dentelle eurent recours aux leveurs et leveuses, qui portaient fils et dessins aux ouvrières et rapportaient la dentelle.

Les leveuses, de loin les plus nombreuses, prenaient une forte commission au passage, au point qu’une proclamation de l'évêque de Saint Flour en 1709 réglementa leur travail.

Afin de protéger les créations des dentelliers, les leveuses ne donnaient jamais les différents morceaux d'une même dentelle à faire dans le même village. Les grandes pièces étaient ensuite assemblées par l'appareilleuse ou “aponceuse”. 

Le port de la dentelle dans le costume connait son apogée en France sous Louis XIV.
 
Mais La Révocation de l'édit de Nantes en 1685 porte un coup fatal à cette industrie. Les riches fabricants huguenots franchissent les frontières où ils sont accueillis à bras ouverts. Lyon perd son industrie de dentelles d'or et d'argent qui émigre à Genève.

La fabrication des fines dentelles implanté en France par les soins de Colbert, redevient tributaire de l'étranger
 
Avec Louis XVI, bonnets plats à rubans et “barbes” réapparaissent… Jusqu'à la Révolution, les robes à paniers et les polonaises se parent de larges volants de dentelles, mais ce luxe extravagant est réservé à la cour.


  • Collection AMD
  • Les dentellières travaillaient autour de la lumière d’un « chaleil », une bougie qui diffusait la lumière à travers un vase rempli d’eau.
  • Le chaleil
    Collection AMD
  • Dentellières et leveuses (Collection A.M.D.)
  • Toutes les femmes des villages du Velay crochètent des kilomètres de dentelle sur des dessins qui leur sont fournis ou nés de leur imagination. À certaines époques les acheteuses fassent et achètent la dentelle pour le compte de maisons du Puy ou de Paris. 
  • Barbe : effet de bande étroite de tissus ou de dentelle qui tombe (par deux) derrière la nuque d’une coiffure ou d’un bonnet
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Saint Jean François Régis

C'est avec l’édit de 1639, interdisant tout port de dentelles, que se situe le rôle de François Régis.
Ce Jésuite, enseignant au collège du Puy, avait pour élèves les enfants des fabricants de dentelles. L'histoire raconte qu’il serait allé à Toulouse plaider la cause des dentellières dont on supprimait le gagne-pain.

Il aurait obtenu un assouplissement de l'application de l'édit ou de nouveaux marchés étrangers pour la production locale (Mexique et Pérou qui étaient sous domination espagnole et dont les émigrés copiaient la mode venue d'Europe).

Les dentellières, en souvenir de ce qu'il fit pour elles, l'ont pris pour saint patron en 1737
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Après la révolution

Après la Révolution, la dentelle disparaît pratiquement du costume masculin en dehors de la cravate et du jabot.

Sous l'empire, la collerette de dentelle "la chérusque" encercle les épaules et descend jusqu'au milieu du dos.

Sous Louis Philippe (1830-1848), toutes les largeurs des dentelles s'étagent sur les robes de bal et l'on porte, par dessus, d’immenses châles en Chantilly noire.

Avec la mode des crinolines, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la dentelle va connaître un nouvel essor… avant de devoir faire face à la concurrence impitoyable des métiers à tulle qui, très rapidement, vont permettre de faire de la dentelle mécanique de qualité, moins onéreuse que la dentelle à la main..
  • 1862
    Photo Archives DOGNIN
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XXe siècle

Au début du XXe siècle, toutes les régions où l'on fait encore de la dentelle on tente de la sauvegarder. Avec l'aide des municipalités, des écoles spécifiques sont fondées. La dentelle est alors par ailleurs enseignée dans les écoles de filles au même titre que la couture.
Dans toute l'Europe, on assiste à la chute de la production de dentelle à la main avec l'arrivée massive des dentelles mécaniques.

Elle restera cependant plus vivace dans les pays très attachés à leur passé, où les activités manuelles sont valorisées : Allemagne, Suisse, Val d'Aoste, Espagne, Portugal, Pays du Nord et de l'Est de l'Europe...

Pour faire face à la demande, les fabricants de dentelles ont rapidement essayé de mécaniser le processus de la dentelle à la main.


A la fin du XIXe siècle, Eugène Malhère, un ingénieur normand, invente un métier circulaire actionné par des disques puis par un système Jacquard. Ce métier à fuseaux mécaniques imite, d'une manière parfaite, la dentelle traditionnelle faite à la main.
  • Un métier circulaire
    Collection privée AMD
  • Une dentelle réalisée par ce type de métier
    Collection privée AMD
  • Un atelier du Puy-en-Velay
    Collection privée AMD
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Après 1902

Dès 1902, cette industrie se développe rapidement et, après la Première Guerre Mondiale, quelque 120 usines produisent dans la région du Puy en Velay
Le déclin apparaît après la crise de 1929.

La Seconde Guerre Mondiale signe la fin d'activité de ce type de dentelles et moins d'une dizaine d’entreprises continuent, de nos jours, à utiliser ce métier
Découvrez l'album photos "Dentelle à main : cartes postales de dentelières et spécimen de dentelle et de métiers" 
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Association Dentelles vivantes
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